Hôpital en mouvement Magazine #35 Avril - Juin 2022

L'avenir du CHwapi se concrétise de plus en plus

Michelle Cooreman
Image brochure CHwapi Phase 2

La phase 2 des travaux sur le site unique à tournai

L'avenir du CHwapi se concrétise de plus en plus

Michelle Cooreman
Journaliste secteur médical
Simon Cuvelier
Architecte, Archipelago
Clément Lacroix
Ingénieur, Responsable projets chantiers Ingénieur, Responsable projets chantiers, Département Infrastructures, CHwapi
Dr Stéphane Gillerot
Président du Conseil Médical, CHwapi
Simon Dezoomer
Chef de service de la cellule Dossier Patient Informatisé, CHwapi
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Le chantier sur le site Union du CHwapi à Tournai est entré dans la phase 2 des travaux, c’està-dire l’extension de l’hôpital avec de nouvelles structures hospitalières. Cet article fait le point sur l'avancement des travaux et se focalise sur 3 aspects: la modularité fonctionnelle, la réduction de l’empreinte carbone et l’apport de l’intelligence artificielle.

Rappelons que le Centre Hospitalier de Wallonie picarde (CHwapi) a une longue histoire de fusions et de réorganisations (voir Hospitals. be n°4/2015). En 2015, l’activité était concentrée sur 4 sites: Union, Dorcas, Notre-Dame et IMC. Cependant, l’objectif à long terme est de rassembler toutes les activités hospitalières sur un site unique, l’Union.

De 2015 à 2017, la phase 1 du chantier - sur le site Union - a permis de rénover une partie du bâtiment, notamment l’ancien Hôpital civil du CPAS : il a été complètement repensé et aménagé avec des unités de soins plus verticales. En même temps, une nouvelle partie a été ajoutée au bâtiment rénové pour la médecine aiguë, les urgences, les soins intensifs, le bloc opératoire et le pôle mère-enfant.

Un nouveau hall d’accueil et un parking sous-terrain avec entrée rue des Sports terminaient cette phase 1.

L’avancement des travaux

« Parallèlement à la phase 1, nous avons commencé à développer le permis de bâtir et le dossier de la phase 2 qui concerne l’extension des bâtiments existants sur le site Union », explique Simon Cuvelier, du bureau d’architectes Archipelago.

Y sont prévus : 2.000 nouveaux logements, des commerces de proximité, de nouvelles activités économiques, des équipements publics, de nombreux espaces verts… Le nouvel hôpital, qui sera opérationnel en 2027, sera relié à ce nouveau quartier par un réseau de rues piétonnes et de promenades traversantes, ponctuées de jardins intérieurs ouverts sur les grands espaces de l’île.

Sur le socle seront construits deux bâtiments en forme de triangle qui hébergeront des unités de soins gériatriques et de revalidation. Le tout devrait être opérationnel à l’horizon 2025. Courant 2021, un grand trou a été creusé pour aménager en sous-terrain un parking pour 1.200 voitures.

De la lumière avant tout

L’entrée principale de l’hôpital – actuellement située rue des Sports – sera déplacée vers le socle des consultations et des hôpitaux de jour. Dès lors, la personne qui arrivera en voiture via un des deux niveaux de parking accèdera à une nouvelle esplanade à mobilité douce, d’où elle pourra se diriger soit vers l’entrée principale générale, soit vers une entrée directe pour la dialyse.

Cette esplanade qui fera la part belle aux espaces verts a aussi pour vocation de devenir un endroit de partages et d’échanges.

Un premier triangle hébergera essentiellement les unités de soins gériatriques, l’autre triangle étant réservé aux revalidations neurologiques et locomotrices ainsi qu’à la psychiatrie. Concernant leur construction, l’architecte précise : « Nous avons cherché à avoir le plus de lumière possible à l’intérieur de l’hôpital. Les triangles offrent la possibilité de maximiser les surfaces extérieures pour avoir plus de lumière à l’intérieur et surtout dans les chambres. »

De grands patios apporteront également beaucoup de lumière, tout comme un mur de rideaux vitrés.

aerial view Tournai and hospital CHwapi

Photos Chwapi | Archipelago

Un hôpital modulable

Parmi les atouts du futur hôpital, citons la modularité à différents niveaux. Simon Cuvelier nous en donne quelques exemples : « Il n’y aura plus de bureaux de consultations attitrés à une discipline ou à un médecin. Des écrans électroniques, situés devant chaque consultation, afficheront, selon le planning, le nom du médecin et la spécialité de la consultation. »

Pour être modulable, l’architecture intérieure a été conçue le plus uniformément possible. Si on constate, par exemple, que les consultations en orthopédie augmentent et celles en pneumologie diminuent, l’orthopédie pourra utiliser des locaux de pneumologie parce que les équipements de base sont les mêmes.

Cette modularité fonctionnelle sera aussi applicable aux salles d’opération qui seront les plus polyvalentes possible. Il y aura des chariots de «cas» qui comprendront tout le matériel stérile nécessaire pour une opération définie. Ce qui rend le stockage de matériel dans le quartier opératoire inutile, tout comme le fait de dédier une salle à une spécialité spécifique.

Modulable jusqu’aux chambres

Pour être modulable, l’architecture intérieure a été conçue le plus uniformément possible

La modularité ira encore plus loin avec l’aide de l’informatique. À l’accueil, le patient sera invité à prendre un ticket; une fois inscrit, le programme lui renseignera où se présenter et la route à suivre.

De grands écrans dans les couloirs lui permettront de se guider. La numérisation de la signalétique pour l’orientation du patient permet également une forme de flexibilité. « L’informatique permet de conserver le même numéro de route, mais de changer son emplacement dans le bâtiment, à l’occasion d’une rénovation par exemple. »

De manière plus générale, le bâtiment est conçu à l’aide de grands plateaux et de dalles avec des colonnes tous les 8 mètres. Le matériel technique est également identique, ou presque, et situé aux mêmes endroits clés. Ainsi, dans 10 ou 20 ans, lorsque l’évolution nécessitera un changement complet de plateau, tous les parachèvements intérieurs pourront être enlevés, puis une reconstruction pourra avoir lieu, tout en gardant l’enveloppe extérieure et la structure interne.

« Lorsqu’on s’attarde sur la partie extérieure des triangles, on se rend compte qu’ils sont construits comme un origami, avec de petites pointes pliées. Chacune de ces pointes correspond à une chambre simple ou à une chambre double qui est faite dans une pointe et demie. A noter que, comme les chambres doubles ne s’utilisent pas beaucoup, elles sont facilement modulables en chambres simples », conclut Simon Cuvelier.

L’aspect écologique

En centralisant ses activités sur un site unique, dans des bâtiments nouveaux et/ou rénovés, le CHwapi a pour objectif de réduire de 20% ses émissions de CO2 d’ici 2024. Afin d’y parvenir, les responsables ont choisi le programme du label Lean & Green comme guide.

Ce label européen peut être obtenu «en diminuant l’impact environnemental de son organisation et en démontrant son éco-exemplarité par une réduction de son empreinte carbone». Le programme doit porter sur au moins 50% des activités de transport et de logistique. Jusqu’à présent, le CHwapi est le seul hôpital en Belgique à avoir obtenu ce label.

«L’année dernière, nous avons déjà pu démontrer que nous avions économisé pas mal d’énergie et diminué nos rejets de CO2 grâce à la concentration croissante de nos activités sur le site unique», précise Clément Lacroix. « Dans un premier temps, il était nécessaire de calculer les rejets de CO2 pour les différents départements et de déterminer nos possibilités de réduction. »

» Au niveau des transports, par exemple, le fait de travailler sur un site unique permettra de réduire le nombre de kilomètres des fournisseurs externes pour les produits alimentaires, la lingerie, les produits d’entretien, les produits non stériles et stériles, et la pharmacie. Et, lorsque les sites Notre-Dame et IMC seront fermés, les navettes internes – évaluées à plus de 260.000 km/an - pourront être supprimées, ce qui se traduira par une réduction de 3,16% des émissions de CO2.

Économiser l’énergie

« D’autre part, la réduction des émissions de CO2 sera aussi possible grâce à la gestion de l’énergie dans les nouveaux bâtiments. Celle-ci sera plus efficace en réduisant la surface à chauffer ou encore en installant un circuit d’air conditionné », poursuit Clément Lacroix.

« Nous faisons partie d’une communauté d’économie d’énergies renouvelables, Hospigreen, créée à l’initiative de l’intercommunale IDETA. En pratique, il s’agit d’un rassemblement de gros consommateurs d’énergie de la région, dont fait partie le CHwapi, qui s’engagent à consommer de l’électricité produite localement via des énergies renouvelables: éoliennes et panneaux photovoltaïques. Un premier bilan début 2020 montre que des économies ont pu être réalisées grâce à cet engagement. »

Parallèlement, 696 panneaux photovoltaïques sont utilisés depuis 2018 sur le site Union (futur site unique). Grâce aux nouvelles constructions, la production d’énergie solaire pourra être doublée avec 757 panneaux supplémentaires d’ici fin 2023. Avec en plus l’installation de pompes à chaleur, l’augmentation de l’isolation et des toitures végétalisées, le gain total au niveau de la consommation électrique est estimé à 14,8%.

D’autres actions pour réduire l’empreinte carbone

Le CHwapi a pour objectif de réduire de 20% ses émissions de CO2 d’ici 2024

Dans l’hôpital, une équipe appelée Ecoteam a été constituée. «Il s’agit d’un ensemble de collaborateurs, issus de différents métiers, qui se réunissent autour d’une sensibilité commune à l’écologie. Ils mettent en place des actions pour diminuer les déchets plastiques, mieux trier les déchets, favoriser les déplacements à vélo ou via le covoiturage.

Ils travaillent actuellement sur un projet qui vise à réduire la consommation de plastique - les bouteilles PET de 0,33 l, 1 l et 1,5 l en l’occurrence - pour les remplacer par des fontaines à eau alimentées par le réseau de distribution et qui seront disposées dans les différents couloirs de l’hôpital. Ce qui représentera une diminution de la consommation de plastique de plus de 4 tonnes par an», conclut Clément Lacroix.

L’intelligence artificielle sur le site unique

En ce qui concerne l’implémentation de l’intelligence artificielle (IA) au niveau médical et au niveau de l’infrastructure, nous donnons la parole respectivement au Dr Stéphane Gillerot (Président du Conseil médical du CHwapi) et à Simon Dezoomer (Chef de service de la cellule Dossier Patient Informatisé du CHwapi).

Côté médical

« À l’avenir, l’apport de l’IA dans le domaine médical concernera essentiellement l’aide au diagnostic dans tout le domaine médicotechnique », explique le Dr Gillerot. L’essor actuel concerne l’anatomopathologie où le microscope est remplacé par le scanner. Les coupes scannées sont lues par des logiciels qui font appel à l’IA.

Ainsi des cellules pathologiques peuvent être distinguées des cellules saines avec une plus grande finesse qu’avec l’œil humain. Idem pour le comptage des cellules dans un cas de cancer, par exemple, l’IA permettra de les comptabiliser à l’aide de certains marqueurs de manière beaucoup plus efficace. Ce qui représente un grand pas en avant pour tout ce qui concerne le diagnostic.

« L’efficacité et la reproductivité de l’anatomopathologie seront bien meilleures. Nous souhaitons également concrétiser l’apport de l’IA dans un autre domaine qu’est le radio diagnostic: la recherche d’images extrêmement petites impossible à réaliser à l’œil nu du fait du très grand volume. L’IA peut trier les images afin de retrouver les plus intéressantes pour le médecin. Ces deux applications vont certainement être instaurées dans la nouvelle structure et d’autres vont se développer par après. »

Côté infrastructure

L’application de l’IA côté infrastructure fait notamment partie de la compétence du Département Informatique dans lequel travaille Simon Dezoomer. « L’un des projets que nous voudrions mettre en place dans le nouveau bâtiment est celui des robots intelligents: des robots autonomes qui permettent de transporter le linge, les repas, les médicaments ou plus globalement des stocks vers les unités. Un autre projet encore à l’étude concerne tout ce qui est orientation du patient avec une lecture de code-barres et un fléchage interactif dans les couloirs pour pouvoir le guider. »

Déjà en place dans le nouveau bâtiment, plus spécifiquement en gériatrie, un système de détection des chutes à l’aide de caméras permet de suivre les mouvements du patient tout en respectant sa vie privée. En cas de chute du patient, une alerte est activée.

Un autre projet en réflexion et qui recourt à l’IA, vise à trouver des solutions pour le brancardage. Une géolocalisation permettrait, en fonction de la demande, de trouver le brancardier le plus proche pour prendre en charge un patient. Pour le patient et le personnel, cela permettrait une réduction du délai d’attente pour les patients et moins de distance à parcourir pour les brancardiers.

Enfin, un projet de gestion des déchets - avec tri automatique par le biais de puces sur les sacs - est également à l’étude.

Côté informatique

Au niveau informatique, un système antivirus beaucoup plus performant est déjà fonctionnel. Au lieu d’analyser uniquement les fichiers, ce système fait appel à un logiciel de supervision, des agents sur les terminaux, un apprentissage automatique intégré et une IA avancée pour identifier les comportements suspects et les traiter avant qu’ils ne soient reconnus comme dangereux.

« Dans la construction du bâtiment, il faut être particulièrement attentif au bon dimensionnement des installations informatiques car toutes les applications utilisant l’IA sont consommatrices de ressources informatiques. Ce qui implique toute une série d’éléments à prévoir dans les murs et les salles des serveurs. Il faut tenir compte du passage de gaines dans les différents locaux pour les câbles réseaux. Les collaborateurs qui encodent les données doivent disposer de solutions informatiques qui fonctionnement correctement. Tout l’enjeu de l’informatique du site unique sera de pouvoir digitaliser la plupart des processus qui vont générer des données. Celles-ci pourront être utilisées en IA dans des domaines très larges », précise Simon Dezoomer.

Cependant, sans boule de cristal, il est indispensable d’avoir une bonne vision de l’avenir : le bâtiment sera utilisé pendant des dizaines d’années et son dimensionnement doit permettre de supporter les différentes évolutions technologiques qui se dessineront. Les technologies innovantes d’aujourd’hui ne seront pas celles de demain. En d’autres termes, il faut anticiper dès à présent ce qui deviendra la norme demain.

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