Juridique Magazine #35 Avril - Juin 2022

Le médiateur « droits du patient »

Caroline van der Rest
Jean-Philippe Cordier
Photo Erik Werlin | Unsplash.com

Un acteur-clé de l’optimalisation de la qualité des soins

Le médiateur « droits du patient »

Caroline van der Rest
Avocate Younity
Jean-Philippe Cordier
Avocat Younity
Share
La loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient célèbre cette année ses 20 ans. L’occasion est idéale pour mettre à l’honneur celui qui assure l’exercice du droit de plainte du patient, consacré à l’article 11 de la même loi: le médiateur hospitalier, également appelé médiateur «droits du patient». Cette disposition prévoit que tous les patients ont le droit d'introduire auprès du médiateur une plainte concernant l'exercice des droits qui leur sont conférés par cette loi.

Les plaintes peuvent porter sur les droits du patient en tant que tels - c’est-à-dire, sur la dispensation de soins et la relation patient-praticien professionnel (qualité des soins, accès au dossier médical, droit à l’information…) - ou sur d’autres aspects de la prise en charge d’un patient au sein de l’hôpital, étrangers au champ d’application de la loi relative aux droits du patient (facturation, confort de la chambre, qualité des repas servis…).

L’une des missions principales du médiateur consiste à faciliter et restaurer le dialogue entre praticiens professionnels et patients, afin de prévenir les litiges ou de résoudre ceux qui seraient nés - un vrai défi. Il doit également formuler des recommandations à l’attention de l’hôpital, visant à éviter que les manquements susceptibles de donner lieu à des plaintes ne se représentent.

Ainsi, la fonction de médiation est cruciale pour l’objectif d’assurer et d’améliorer la qualité des soins. Soulignons que la présence d’une fonction de médiation au sein de l’hôpital constitue d’ailleurs une condition sine qua non de l’agrément de celui-ci.

Conditions légales et déontologiques

En d’autres termes, le plaignant doit pouvoir bénéficier de toute l’écoute souhaitée, ce qui est bien sûr compromis si la fonction de médiation est perçue comme une dépendance de la direction. De la même manière, le praticien professionnel doit pouvoir compter lui aussi sur l’écoute neutre et la discrétion du médiateur

Afin que le médiateur puisse mener à bien sa mission, le législateur a estimé indispensable de lui donner certaines garanties. Il a donc imposé le respect - tant par le médiateur lui-même que par l’hôpital - de certaines conditions légales et déontologiques.

Ces obligations sont consacrées essentiellement par l’arrêté royal du 8 juillet 2003 fixant les conditions auxquelles la fonction de médiation dans les hôpitaux doit répondre. Parmi celles-ci figurent notamment les devoirs d’indépendance, de neutralité et d’impartialité du médiateur, le secret professionnel, les exigences en matière d’expertise du médiateur, ou encore la garantie d’une protection juridique à ce dernier.

Le législateur considère en effet qu'il est capital que le médiateur puisse en tout temps rester maître du processus de médiation. Il doit disposer d’une liberté d’action, exempte d’intervention ou d’influence externe (par le gestionnaire hospitalier, la direction, un service hospitalier, un médecin-chef ou qui que ce soit d’autre).

L’exposé des motifs de la loi relative aux droits du patient le précise comme suit : « Les praticiens professionnels ne pourront accepter une fonction de médiation que si celle-ci travaille de manière indépendante. La fonction de médiation ne pourra fonctionner que si elle n’est pas constamment rappelée à l’ordre par les praticiens professionnels. Le patient ne pourra prendre conscience de l’utilité du recours à la fonction de médiation que s’il a l’impression que celle-ci fonctionne indépendamment des praticiens professionnels dont on prétend qu’ils ne respectent pas les droits du patient. » [1]

En d’autres termes, le plaignant doit pouvoir bénéficier de toute l’écoute souhaitée, ce qui est bien sûr compromis si la fonction de médiation est perçue comme une dépendance de la direction. De la même manière, le praticien professionnel doit pouvoir compter lui aussi sur l’écoute neutre et la discrétion du médiateur, laquelle serait compromise si le médecin-chef par exemple devait s’immiscer systématiquement dans le traitement de la plainte. Il en va de la confiance des parties dans le processus de médiation et in fine, de la réussite de celui-ci.

Concernant la fonction de médiateur

Conscient de l’importance de l’indépendance de la fonction de médiation, le législateur a consacré ce principe dans l’arrêté royal du 8 juillet 2003 précité et a mis en place les garanties suivantes pour assurer son effectivité pratique :

Le médiateur ne peut avoir été concerné par les faits et les personnes qui font l'objet de la plainte.

Il est tenu de respecter le secret professionnel.

Il doit faire preuve d'une neutralité et d'une impartialité strictes.

Le médiateur ne prend pas position au cours du processus de la médiation.

Il ne peut être sanctionné pour des actes accomplis dans le cadre de l'exercice correct de sa mission.

L’hôpital doit veiller à ce que le médiateur ait la possibilité d'entrer librement en contact avec toutes les personnes concernées par la plainte.

L’hôpital doit également veiller à ce que le médiateur dispose d'un environnement administratif et technique nécessaire à l'accomplissement de ses missions, en ce compris un secrétariat, des moyens de communication et de déplacement, de la documentation et des moyens d'archivage.

La fonction de médiateur est incompatible avec les fonctions suivantes :

une fonction cadre ou de gestion dans un établissement de soins de santé comme la fonction de directeur, de médecin-chef, de chef du département infirmier ou de président du conseil médical ;

l'exercice, à l'hôpital, d'une fonction dans le cadre de laquelle des soins de santé sont dispensés en qualité de praticien professionnel, tel que visé dans la loi relative aux droits du patient ;

une fonction ou une activité dans une association qui a la défense des intérêts du patient comme objectif.

Points d’amélioration

le constat de la Commission fédérale « Droits du patient » est que, dans la pratique, l’indépendance du médiateur présente encore certaines fragilités.

L’importance de ce principe est rappelée régulièrement par la Commission fédérale «Droits du patient» - dont la mission consiste entre autres à évaluer l’application de la loi relative aux droits du patient, le bon fonctionnement des fonctions de médiateur et de formuler des recommandations à cet égard. Or, le constat de la Commission fédérale « Droits du patient » est que, dans la pratique, l’indépendance du médiateur présente encore certaines fragilités. C’est en ce sens qu’elle s’exprimait dans un avis du 19 mai 2017. [2]

Dans la majorité des cas, le médiateur est en effet employé en tant que salarié par l’institution hospitalière dans laquelle il travaille. Il se trouve donc dans un lien de subordination vis-à-vis de celle-ci. Cette circonstance est susceptible d’avoir une incidence en pratique sur son autonomie et sa liberté d’action dans la recherche de solutions. Elle rend potentiellement plus difficile pour le médiateur de refuser toute interférence dans le processus de médiation et d'imposer son indépendance face à son employeur.

Dans son avis du 19 mai 2017, la Commission fédérale « Droits du patient » appelle à une professionnalisation de la fonction de médiation ainsi qu’à la mise en place d’un statut de protection particulière pour le médiateur hospitalier, comparable à celui du conseiller en prévention tel que prévu dans la loi du 20 décembre 2002 portant protection des conseillers en prévention. Il s’agirait en effet de prévoir une protection spécifique du médiateur hospitalier contre le licenciement. Il s’agirait également de clarifier la gestion (ou l’interdiction) du cumul des fonctions au sein de la même institution. De tels changements nous semblent tout à fait souhaitables.

Pour reprendre les termes de la Commission fédérale «Droits du patient» dans son avis précité, « en donnant de meilleures armes aux médiateurs pour exercer leurs missions, c’est la qualité des soins qui s’en trouve optimalisée ».

[1] Projet de loi relatif aux droits du patient, doc. Parl. Chambre 2001-2002, n° 1642/001, pp. 38-39.

[2] Intitulé «La fonction de médiation prévue dans la loi relative aux droits du patient: vers une professionnalisation, un statut, une harmonisation des pratiques dans l’intérêt de la qualité des soins».

    En vous inscrivant à la newsletter vous acceptez de recevoir des informations de Hospitals.be

    Inscrivez-vous à la Newsletter pour recevoir les actualités Hospitals.be