Environnement Magazine #39

Le recyclage du PVC dans le secteur médical

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Gros plan d’un bleu granules en plastique de polypropylène - recyclage du PVC | Photo iStock
Les résultats d'un projet pilote

Le recyclage du PVC dans le secteur médical

Michelle Cooreman
Journaliste secteur médical
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L e PVC est un type de plastique fortement utilisé pour les applications médicales et continuera encore probablement à l’être dans les années à venir. Les hôpitaux sont dès lors confrontés à une grande quantité de déchets en PVC provenant du matériel médical à usage unique. Dans la quête de solutions durables, le recyclage du PVC est préféré à son incinération. Les Cliniques de l’Europe (Bruxelles) ont pris les devants en la matière et les résultats d’un projet pilote d’une durée d’un an, VinylPlus® Med, se sont révélés supérieurs aux attentes.

La première utilisation du PVC dans le secteur médical remonte à la guerre de Corée où un conteneur pour le sang (autre que le verre) s’est avéré nécessaire pour les transfusions sanguines dans les hôpitaux de campagne. Ce conteneur devait résister aux largages des avions. De plus, le sang contenu dans les poches en PVC pouvait être stocké pendant 49 jours. Les plastiques PVC à usage unique étaient un substitut précieux aux produits multiusage de l’époque parce qu’ils permettaient d’éviter la contamination croisée, que leur coût était bas, leur fabrication relativement facile et qu’ils offraient de très nombreuses options novatrices.

Le PVC à l’hôpital

Dans les hôpitaux, près de 30% du plastique utilisé dans les dispositifs médicaux est du PVC, les 70% restants se répartissent entre 10-15 autres polymères. Une grande partie du matériel à usage unique est fabriquée en PVC: toutes sortes de tubulures (oxygène, irrigation, aspiration, cathéter), poches (sang, IV, dialyse), masques (oxygène, anesthésie, laryngé), plaquettes de pilules.

Le PVC est également utilisé dans des équipements hospitaliers à usage à long terme comme des housses de protection des matelas, du matériel de diagnostic et de test, des applications pour la revalidation, des mannequins de démonstration… Grâce à sa facilité de maintenance et d’hygiénisation, le PVC est également utilisé dans le bâtiment de l’hôpital (revêtements des murs et des sols, fenêtres, conduites…).

Les produits en PVC à usage unique peuvent être aisément recyclés en produits à usage à long terme. La collecte des produits PVC après usage est l’étape la plus simple, la séparation du PVC des autres matériaux est une activité plus laborieuse. Malheureusement, la présence de PVC dans de nombreux processus de recyclage d’autres plastiques peut rendre inutilisable le produit fini. Cela peut poser problème dans la collecte sélective des flux de plastiques: il ne peut pas s’y trouver de PVC ou il doit pouvoir en être éliminé de façon sélective.

Le projet pilote

Le chef de projet de VinylPlus® Med, Vincent Stone, est extrêmement satisfait du résultat de ce projet pilote : « En un an seulement, nous avons pu collecter l’équivalent de 35.000 masques faciaux, soit environ 1 tonne de PVC (1 masque pèse environ 30 grammes), sur 10 sites hospitaliers. Il s’agissait d’un projet pilote pour lequel chaque hôpital devait être contacté individuellement et convaincu de participer. Cela a demandé du temps et de l’énergie. Mais nous avons quand même évité l’incinération de 35.000 masques ! Et c’est un beau résultat ».

Tant les déchets médicaux à risque que non dangereux sont généralement incinérés, avec toutes les conséquences pour l’environnement et l’homme qui vont de pair avec l’incinération. Il est un fait que le coût du traitement des déchets à risque est plus élevé que celui des déchets non dangereux, de même que l’empreinte carbone des déchets à risque est 2 à 3 fois plus grande que celle des déchets non dangereux.

« Tous les produits à usage unique ont un grand impact sur l’empreinte carbone de l’ensemble du secteur de la santé (il est évalué à 25% en France). La gestion du matériel à usage unique est donc essentielle pour réduire le plus possible l’empreinte carbone. Des experts en analyse du cycle de vie ont calculé que chaque tonne de déchets en PVC recyclée permet d’éviter l’émission de 3 tonnes de CO2 par rapport à l’incinération.

L’avantage pour l’environnement du recyclage versus l’incinération est dès lors évident», ajoute Vincent Stone. En outre, l’incinération des déchets en PVC est plus nocive que celle des autres plastiques en raison de la présence de chlore dans le PVC. Par conséquent, la non-incinération du PVC gagne encore en importance. »

En un an seulement, nous avons pu collecter l’équivalent de 35.000 masques faciaux, soit environ 1 tonne de PVC (1 masque pèse environ 30 grammes), sur 10 sites hospitaliers. Nous avons évité l’incinération de 35.000 masques

L’enjeu du triage

À l’hôpital, les déchets à risque sont déjà séparés des déchets non dangereux: les premiers vont dans le conteneur jaune, les seconds dans le noir. Le recyclage est réservé aux déchets non dangereux en Belgique. Mais les déchets non dangereux ne sont pas tous en PVC. Dès lors, le PVC doit être séparé des autres plastiques et déposé dans des conteneurs spécialement prévus à cet effet.

Une condition importante pour effectuer un bon recyclage est de ce fait un bon tri du PVC. «Nous avons aidé les hôpitaux à faire l’inventaire de tous les produits en PVC qu’ils utilisent. Plus de 500 références ont été identifiées dans les différents hôpitaux afin que le personnel sache exactement quel PVC est autorisé dans nos conteneurs», explique le chef de projet.

Bien que les phtalates, utilisés pour rendre le PVC plus malléable et flexible, soient remplacés dans la plupart des applications dans les hôpitaux par des alternatives (les phtalates de bas poids moléculaire sont en effet nocifs pour la santé et l’environnement), «nous avons conçu un scanner capable de détecter la présence de phtalates dans le PVC collecté. Nous mettons tout en œuvre pour éviter que le PVC contenant des phtalates soit recyclé.»

« Le recyclage mécanique est la meilleure solution pour les déchets en PVC », précise Inge Dewitte de Denuo, la fédération belge des entreprises actives dans le traitement et le recyclage des déchets, «parce que le PVC est une matière qui s’y prête parfaitement: il peut être recyclé 8 à 10 fois sans réelle perte de qualité. De plus, tous les produits médicaux en PVC que nous collectons se composent d’une seule couche de PVC, ce qui facilite le processus de recyclage. »

La législation ne permet pas une circularité complète des plastiques: les plastiques utilisés pour les dispositifs médicaux ne peuvent pas contenir de matière recyclée. Il reste toutefois pas mal d’autres possibilités pour la réutilisation des matières premières. Le PVC récolté dans ce projet est recyclé en d’autres applications hospitalières à long terme, comme les revêtements muraux et de sol qui sont beaucoup utilisés dans les hôpitaux.

Le PVC est également utilisé dans des équipements hospitaliers à usage à long terme comme des housses de protection des matelas, du matériel de diagnostic et de test, des applications pour la revalidation, des mannequins de démonstration…

Trois partenaires

VinylPlus® Med est un projet axé sur une collaboration entre différents partenaires: le gestionnaire de déchets Renewi, le recycleur Raff Plastics et le coordinateur VinylPlus® en tant que représentant de l’industrie européenne du PVC.

La collecte, le transport et le stockage intermédiaire du PVC sont pris en charge par Renewi. L’entreprise livre les conteneurs dans lesquels doivent être déposés tous les sacs renfermant les déchets en PVC. Ces déchets sont ensuite amenés à l’entreprise de recyclage.

« Les matériaux en PVC y sont d’abord démontés, on enlève par exemple les élastiques et les plaquettes métalliques des masques buccaux, ainsi que les parties en plastique dur qui ne sont pas du PVC. Ce qui reste est broyé afin d’obtenir une matière première totalement conforme à la législation européenne.

Raff Plastics est une entreprise européenne certifiée de recyclage du plastique, ce qui signifie qu’elle recycle conformément à des normes strictes de contrôle de la qualité et avec une traçabilité totale de ce type de déchets. Elle doit aussi trouver un transformateur qui peut convertir le recyclat en une application hospitalière où la qualité du recyclat doit être conforme aux conditions fixées par le transformateur », ajoute Inge Dewitte.

VinylPlus® coordonne le tout et met à la disposition des hôpitaux tout le matériel nécessaire pour permettre une collecte efficace (par exemple des collecteurs de déchets, des posters de tri). Le coordinateur forme et coache aussi le personnel hospitalier, les sensibilise à la collecte séparée du PVC, communique largement sur le projet via les médias sociaux et la presse traditionnelle et, enfin et surtout, finance l’ensemble du projet.

Les produits en PVC à usage unique peuvent être aisément recyclés en produits à usage à long terme. La collecte des produits PVC après usage est l’étape la plus simple, la séparation du PVC des autres matériaux est une activité plus laborieuse.

En pratique

Il n’y a pas que dans la population générale qu’on prend de plus en plus conscience de l’impact écologique de ses faits et gestes, à l’hôpital aussi. Nous sommes tous confrontés à de très nombreux déchets. Ce qui joue dans une institution de soins dans la collecte sélective des déchets, ce sont les contraintes de temps.

« Les urgences sont un grand générateur de déchets en PVC, mais la collecte sélective y fonctionne moins bien parce que le personnel est souvent pressé par le temps. Si les contraintes de temps sont très élevées, peu d’attention est laissée au tri. Nous essayons de coacher le personnel et de l’informer sur ce que nous faisons avec le recyclat et de quelle manière cela peut réduire l’empreinte écologique de l’hôpital

Mais il n’est pas facile de faire en sorte que tout le monde agisse de manière cohérente. Un petit rappel est parfois nécessaire. Cela aide quand une personne est désignée dans l’hôpital pour porter le projet et se charger de la coordination interne. C’est aussi ce qui s’est passé aux Cliniques de l’Europe et depuis tout marche comme sur des roulettes et la collecte a décollé», explique Inge Dewitte.

Un ajustement est parfois nécessaire. Evelyn Vass, directrice opérationnelle des Cliniques de l’Europe : « Dans la phase initiale on a exigé trop de notre personnel en ce qui concerne le tri. Le personnel infirmier devait découper les parties qui ne sont pas en PVC dans les masques à oxygène avant de les placer dans les conteneurs à déchets spéciaux. Cela n’a pas été accepté car les soins sont leur tâche principale. Il a été convenu avec le coordinateur de ne plus faire faire cela par notre personnel et c’est maintenant le recycleur qui s’en charge. Cela a boosté la participation du personnel ».

L’endroit où est placé le conteneur à déchets supplémentaire dans la salle d’opération peut aussi constituer un obstacle relatif, car il n’y a plus beaucoup de place. Les hôpitaux décident eux-mêmes du type de poubelle à déchets qu’ils veulent utiliser (petit ou grand modèle) et s’il y a peu de place, ils peuvent opter pour une boîte plastifiée qui est aussi réutilisable. Luc Noé, infirmier chef coordinateur Quartier opératoire aux Cliniques de l’Europe: «Chez nous, la poubelle à PVC est placée dans la salle de réveil où le patient est installé après avoir quitté la salle d’opération et où la perfusion sera généralement remplacée».

Herman Devriese, chef de service Preventie en Milieu à l’UZ Leuven : « À l’UZ Gasthuisberg, nous avons commencé modestement avec ce projet pilote dans un nombre limité de salles, notamment au QO, dans le cadre de notre Groen OK. Nous devons bien réfléchir à comment organiser la collecte du PVC, où et quelles poubelles placer parce que nous nous trouvons quand même ici dans un environnement à risque.

C’est la raison pour laquelle un support spécial a été fabriqué qui peut être fixé au chariot à déchets. Idem pour le chariot d’anesthésie moyennant une petite adaptation du support de sorte qu’aucun support supplémentaire n'a dû être ajouté et que la collecte puisse s’effectuer facilement. Nous ne faisons d’ailleurs pas une séparation à 100% des matériaux en PVC mais une collecte limitée. C’est ainsi que les applications qui sont entrées en contact avec des fluides corporels n’y sont pas déposées, tandis que le PVC qui a été en contact avec des liquides inoffensifs y est effectivement rassemblé. En outre, le tri dépend aussi du risque infectieux de chaque patient individuel ».

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