Élaborée par Maggie De Block, alors ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, cette réforme stratégique du paysage hospitalier vise à rationnaliser l’offre de soins de façon durable, en y apportant davantage de qualité et d’efficacité, ainsi qu’en améliorant la continuité des soins – tant au sein des réseaux qu’entre réseaux.
Ainsi, la technologie coûteuse pourra, par exemple, être attribuée à un réseau plutôt qu’à un hôpital en particulier. Il en va de même pour les soins plus pointus, tels que la chirurgie oncologique complexe ou la chirurgie cardiaque, pour lesquels un patient sera renvoyé vers un point de référence au niveau suprarégional.
Ces mesures doivent permettre de réaliser des économies d’échelle, en faveur du patient. Cette réforme fait l’objet de la loi du 28 février 2019 modifiant la loi coordonnée du 10 juillet 2008 sur les hôpitaux et autres établissements de soins, en ce qui concerne le réseautage clinique entre hôpitaux.
Les questions qui se posent
En termes de structure, chaque réseau hospitalier est doté de la personnalité juridique et dispose de sa propre gestion, dont la mission consiste essentiellement à assurer la bonne coordination et la continuité des soins au niveau locorégional. Au sein même du réseau, chaque hôpital conserve en principe son existence individuelle et son autonomie.
Les hôpitaux doivent collaborer, mais ne doivent pas nécessairement fusionner. La loi prévoit néanmoins que certaines matières, telles que la rémunération des médecins hospitaliers ou la perception centrale de leurs honoraires, peuvent être définies au niveau du réseau plutôt qu’au niveau de l’hôpital. Il s’agit d’une faculté, non d’une obligation.
Cette collaboration inter-hospitalière renforcée suscite évidemment bon nombre de questions en droit du travail, qu’il importe de prendre en compte dans le cadre de l’implémentation de cette réforme, telles que :
Dans quel cas est-il question d’un transfert conventionnel d’entreprise au sens de la convention collective de travail n° 32bis, et quelles en sont les conséquences?
Y a-t-il lieu d’uniformiser les conditions de travail au sein du réseau? Qu’en est-il des conditions de travail en cas de fusion ou d’absorption d’hôpitaux relevant respectivement du secteur public et du secteur privé?
Quel est le sort des organes sociaux: doivent-ils être informés/consultés concernant la mise en réseau (éventuelle) ?
Qu’en est-il de la mise à disposition de travailleurs entre hôpitaux relevant du secteur privé?
Nous abordons succinctement ces questions.
Les réponses
Le choix de la structure a des conséquences importantes en droit social.
Relevons tout d’abord que les conséquences en droit social seront sensiblement différentes selon que les hôpitaux (i) mettent en place une simple collaboration sans intégration (simple mise en commun de moyens matériels et humains par le biais d’une association), ou (ii) créent une nouvelle structure impliquant un transfert d’actifs par fusion/absorption.
Dans le premier cas en effet, les obligations prévues dans la CCT n° 32bis (ou, pour le secteur public, la Directive européenne 2001/23) ne seront pas d’application, tandis qu’elles le seront en cas de fusion ou absorption
Or, l’applicabilité de cette CCT a des conséquences importantes en droit du travail, notamment :
L’ensemble des contrats de travail sont automatiquement transférés auprès du cessionnaire.
Les conditions de travail doivent impérativement être maintenues après le transfert. Ce point est particulièrement important en cas de passage du secteur public au secteur privé (CP 330), ou vice versa. Les barèmes salariaux ainsi que les conditions de travail minimales à respecter (congés, primes, avantages en nature…) sont en effet différents de part et d’autre. Il est donc essentiel de bien budgéter l’impact d’un éventuel changement de secteur
Les travailleurs transférés bénéficient d’une protection contre le licenciement.
Une solidarité existe en principe entre cédant et cessionnaire pour le paiement des dettes existant à la date du transfert et résultant des contrats de travail (par ex. arriérés de salaire).
En cas de transfert conventionnel d’entreprise, les organes sociaux devront par ailleurs se mettre en commun post-transfert et ce, jusqu’aux prochaines élections. Si, par contre, les institutions conservent leur autonomie (simple collaboration sans intégration), les organes sociaux continueront à fonctionner séparément.
L’hôpital est tenu d’informer en amont les représentants des travailleurs du projet de rapprochement inter-hospitalier envisagé - plus particulièrement des conséquences sociales de celui-ci. Pour que cette information leur soit utile, elle doit être communiquée avant la décision définitive (avant que celle-ci ne soit rendue publique et mise en application), dès que le projet est suffisamment concret.
À nouveau, la nature et l’importance des informations à communiquer varient quelque peu selon qu’il s’agisse ou non d’un transfert conventionnel d’entreprise.
Attention à l’interdiction de la mise à disposition de travailleurs dans le secteur privé.
La mise en réseau des hôpitaux implique nécessairement une mutualisation de certains de leurs services, de sorte que les travailleurs d’une institution seront amenés à travailler auprès d’une institution partenaire. Or, la loi du 28 février 2019 précitée ne permet pas de passer outre l’interdiction de la mise à disposition de travailleurs, telle qu’applicable dans le secteur privé. Cette interdiction empêche en principe un employeur de mettre ses travailleurs à disposition de tiers, qui utilisent ces travailleurs et exercent sur ceux-ci une part quelconque de l’autorité patronale. Il importe de garder cette réglementation à l’esprit dans l’organisation du réseau.
À noter qu’il existe toutefois certaines exceptions à cette interdiction de principe, permettant – moyennant le respect d’une série de conditions – de mettre des membres de son personnel à disposition d’une institution tierce.
En conclusion, si ce remodelage du paysage hospitalier belge optimise assurément les soins et les moyens engagés par les hôpitaux, il présente également de sérieux enjeux pour ceux-ci en tant qu’employeurs. Rapprocher le public et le privé constitue un sacré défi en soi.
Pour reprendre les mots de Winston Churchill, « il vaut mieux prendre le changement par la main avant qu’il ne vous prenne par la gorge
Pour reprendre les mots de Winston Churchill, « il vaut mieux prendre le changement par la main avant qu’il ne vous prenne par la gorge ».
Les organes sociaux doivent être informés en temps utile concernant le projet envisagé.